Synopsis

Une mère dialogue avec sa fille morte dans le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Une question lui transperce le cœur depuis toutes ces années : « Quand est-ce que tu es morte ? » C’est aussi la première phrase prononcée par cette mère, asséchée par le temps, qui n’arrive même plus à pleurer. Et cette fille, qui se souvient plus de grand-chose « je ne sais pas maman, c’est loin », demande des nouvelles de la famille et s’arme de courage pour porter/prendre les douleurs de sa mère.  Un dialogue pesant qui balbutie entre souvenir de cette tragédie et la mère face à son impuissance, sans réponses depuis toutes ces années. Cette mère dévorée par la solitude. Au-delà du fait de parler du drame et de la mélancolie qui l’accompagne, l’espoir, comme un courant d’air frais, se faufile avec délicatesse dans le texte. « …Il est temps de recommencer à ne plus être malheureux… » dit la fille. Dans un style où les mots sont comme des pointes de couteaux, In Memoriam est une porte ouverte sur la parole encore étouffée du drame du 12 janvier.

 

Note du metteur en scène

 « … Si on devait écrire tout cela dans un livre, on ne nous croirait pas. Nous sommes dans une telle solitude, une telle solitude … » Comment raconter le 12 janvier aujourd’hui ? Une plaie encore ouverte, où chacun garde sa tristesse et fourbit sa colère. Dans In Memoriam, l’auteur fait dialoguer la mère (vivante) avec la fille (morte). Pour comprendre ce phénomène dans lequel un Vivant peut discuter avec un Mort, nous nous sommes référés au rituel Bo n’hou. Le rituel funéraire des morts dans le vodou haïtien. Ce moment de voyage de ce monde vers Alada, lieu de vérité.

Un chœur est aussi mis en place. Comme dans la tragédie grecque antique, un chœur témoin, qui commente, gémit des malheurs de l’humanité, implore l’assistance des dieux/loas. Un chœur avec une résonnance artisanale. Fait avec le son des mains qui s’échauffent, l’étoffe de la poitrine, la singularité des voix sèches, arides, fragiles, déterminés. Un chœur avec des chants vodou, racontant notre parcours sur cette terre, et notre destination chez Agwewoyo, maitre des eaux.

Il y a quelque chose d’essentielle dans la conception de la mort dans le rituel vodou, c’est le courage demandé au vivant de laisser le mort faire le voyage. Le mythe explique qu’à chaque fois que l’on est triste, le mort est à coté de toi. Pour qu’il/elle puisse s’en aller, il/elle lui faut Ta joie. Ce qui veut dire que toi, vivant, soit prêt à lui laisser s’en aller. « Le deuil fait ». Aujourd’hui, neuf années plus tard, n’est-il pas important d’appeler nos morts, de discuter avec eux, puis de les laisser s’en aller et de retrouver la paix ? N’est-il pas temps de recommencer à ne plus être malheureux ?